- Les « Mays » de Notre-Dame de Paris
- La Descente du Saint-Esprit
- Saint Pierre guérissant les malades de son ombre
- La Conversion de saint Paul
- Le Centurion Corneille aux pieds de saint Pierre
- La Prédication de saint Pierre à Jérusalem
- Le Crucifiement de saint Pierre
- Le Crucifiement de saint André
- La Lapidation de saint Étienne
- Les Prédictions du prophète Agabus à saint Paul
- La Visitation
- Saint Thomas d’Aquin, Fontaine de Sagesse
Le don du chanoine de La Porte
En 1709, le chanoine de La Porte (1627-1710), instigateur financier du Voeu de Louis XIII et de la refonte du chœur, décide d’offrir à la cathédrale un ensemble de tableaux sur le thème de la vie de la Vierge, dont la Visitation. Lorsqu’il décède à 83 ans, en 1710, l’œuvre est inachevée. Grâce à l’héritage qu’il lègue à Notre- Dame, les huit tableaux sont finalisés et placés dans le chœur de la cathédrale en 1715. Les thèmes et artistes retenus sont les suivants :
- la Visitation de Jouvenet (1716)
- l’Annonciation de Hallé (1717)
- la Nativité et l’Adoration des Mages de La Fosse
- l’Assomption et Jésus au temple de Coypel
- la Fuite en Égypte et la Purification de Boullongne.
Soucieux de sa postérité, le chanoine se fait représenter à la même époque dans un grand tableau de Jean Jouvenet, La messe du chanoine de La Porte (musée du Louvre).
Les aléas de l’histoire
Lors des saisies révolutionnaires, les peintures sont transférées au Museum à Versailles. Durant ce transfert, trois toiles disparaissent. Plus tard, dans le cadre du Concordat, Napoléon Ier accorde la restitution des cinq toiles subsistantes. Elles retrouvent donc leurs places dans la cathédrale en 1807, accrochées dans de nouveaux cadres.
Lorsque Eugène Viollet-le-Duc restaure la cathédrale au XIXe siècle, il note dans ses carnets : « à l’occasion du baptême du Prince impérial, le 14 juin 1856, les tableaux ont été descendus et qu’on a pu voir ainsi les avantages qu’il y aurait pour le culte […] à ne pas replacer ces tableaux qui bouchent les arcades des bas-côtés et assombrissent toute cette partie latérale du chœur ». Il ajoute : « cet enlèvement permettrait de restaurer des piliers gravement endommagés et sapés, de manière à compromettre la solidité de l’édifice ».
Dans les années 1860, le musée du Louvre expose les toiles. Seule la Visitation de Jouvenet revient à la cathédrale en 1947.
Le tableau de la Visitation
La scène illustre la visite de Marie, enceinte du Christ à sa cousine Elisabeth, enceinte de Jean-Baptiste. Pour cette rencontre, elle voyage depuis Nazareth en Galilée jusqu’à Hébron en Judée. Marie, accompagnée de Joseph, se place à droite avec leur âne. Sur la gauche, le prêtre Zacharie, époux d’Élisabeth se tient en retrait. Cette scène symbolise traditionnellement la prophétie de Jean Baptiste, en d’autres termes, le lien entre l’ancien monde et le nouveau monde. Elisabeth apparait comme une vieille femme. Dans sa composition, le peintre ne retient pas l’épisode traditionnel de la rencontre de Marie où les deux femmes dialoguent mais celui, plus rarement traité, du « Magnificat ». Marie, glorieuse, lève les mains et yeux vers le ciel, auréolée de lumière. Le peintre accentue l’effet de gloire en plaçant les deux femmes surélevées sur des marches au centre du tableau, et l’ensemble des personnages disposés en cercle autour d’elles.
Tout à fait à gauche de la composition, l’artiste s’est représenté à côté du chanoine de La Porte. Le chanoine est déjà mort depuis six ans à la date où Jouvenet peint l’œuvre. Toutefois, il l’a déjà portraituré par deux fois et s’en inspire dans cette reprise. Jouvenet use d’une tradition ancienne dans la peinture religieuse de représenter son commanditaire dans le tableau. Quant à l’au portrait du peintre (mort l’année suivante), il se représente jeune, sous un profil plus idéalisé que réaliste.
Jean Jouvenet (1644-1717)
Jean Jouvenet entre à 17 ans au sein de l’atelier de Charles Le Brun, premier peintre de Louis XIV, auquel Notre Dame a commandé deux Mays. Notamment, Le Crucifiement de saint André (1647) et La lapidation de saint Étienne (1651). Il travaille pour Versailles et reçoit de nombreuses commandes du roi. De fait, il devient directeur de l’académie de peinture en 1705.
En 1673, l’artiste n’a que 29 ans lorsque le chapitre de Notre-Dame lui commande un May sur le thème de La guérison du paralytique. Ce thème est une coïncidence fortuite. En effet, lors qu’il peint La Visitation, il est âgé de 72 ans, et souffre depuis trois ans d’une paralysie de la main droite suite à une crise d’apoplexie. Travailleur acharné, il s’habitue à peindre de la main gauche. Il date et signe son tableau sur la première marche: « J. Jouvenet dextra paralyticus sinistra fecit 1716 »., c’est-à-dire « fait de la main gauche car la droite est paralysée ».
Un style à la mode
La gestuelle de Charles le Brun, lui-même influencé par Rubens, influence le style de Jouvenet. Il s’intéresse à créer des effets théâtraux dans le mouvement des drapés tout en gardant une fraîcheur de tonalité. Ainsi, le sujet revêt une emphase très appréciée par le roi. L’artiste se copie lui-même en reprenant la modèle de la Vierge qu’il a peint dans La Descente du Saint-Esprit de la chapelle du château de Versailles. Cette nouvelle représentation de la Vierge qui plait au roi, plait à la cour et devient à la mode. C’est pourquoi cette Visitation, connue et admirée par ses contemporains, a été plusieurs fois copiée au XVIIIe siècle.