Polyphonie et motets

Au XIIe siècle, l’école de Notre-Dame invente un genre musical : la polyphonie. Ce nouveau style de chants accompagne la liturgie. Il atteint sa perfection à Paris et gagne toute l’Europe au cours du Moyen Age. Au XIIIe siècle, les motets ajoutent des poèmes chantés à la musique.

La musique à Paris au Moyen Age

Lorsque Maurice de Sully entreprend de construire une nouvelle cathédrale, Paris est un centre culturel majeur en Europe. Non loin de l’île de la Cité, le monastère de Saint-Victor contribue à ce rayonnement, tout autant que le collège universitaire fondé par le chanoine Robert de Sorbon un siècle plus tard (1257). Les étudiants affluent de l’Europe entière et, de retour dans leurs pays, transmettent l’enseignement reçu à Paris. C’est ainsi qu’un musicien anglais « Anonyme IV » rend compte vers 1275 de l’intense activité musicale qui anime la cathédrale. Le récit posthume de cet anonyme fait naître l’idée d’une « école de Notre-Dame », théâtre de l’un des plus grands bouleversements de l’histoire de la musique : l’avènement de la polyphonie.

Création de la polyphonie

La polyphonie, est l’art de superposer plusieurs voix différentes, par opposition à la monodie qui prévaut jusqu’alors. Vers le XIe et XIIe siècles, les moines ont pris l’habitude d’improviser un déchant (une voix à la quarte ou à la quinte) parallèle aux mélodies de plain-chant qu’ils interprètent. Toutefois, les maîtres parisiens donnent un essor à cet art nouveau, composant des pages à la beauté insolite et font école. De nombreux pays adoptent ce style nouveau. Nulle part, pendant un siècle, la polyphonie n’atteint la perfection entendue à Paris.

Léonin et Pérotin

Le premier maître de cette « école de Notre-Dame » est le chantre Magister Albertus Parisiensis, successeur d’Adam de Saint Victor. Son nom apparaît à côté de Fulbert de Chartres, dans le Codex Calixtinus, premier manuscrit rompant l’anonymat des chantres. La postérité retient comme fondateur de ce mouvement maître Leoninus, dit Léonin (1135-1210). Il donne une forme écrite et une mesure aux genres naissants de l’organum et du conductus. L’organum consiste en une mélodie de plain-chant déroulée lentement (le cantus firmus). Plusieurs voix en contre-chant, dites organales, plus rapides et mélismatiques, brodent sur cette mélodie. Le conduit est une composition libre, sans chant liturgique. Léonin compose uniquement des pièces à deux voix. Son successeur, Pérotin modernise ensuite les organa de Léonin. Il compose des œuvres originales plus complexes, jusqu’à quatre voix. Des instruments à tuyaux, orgues portatifs rudimentaires, soutenant la mélodie de plain-chant, existent probablement à l’époque.

Les motets

Philippe le Chancelier, chancelier de la cathédrale de 1217 à 1236 et maître de l’école de Notre-Dame est l’un des initiateurs du motet. La nouveauté consiste à placer sur les vocalises des paroles éventuellement profanes et en français avec une syllabe par note, pour en faciliter la mémorisation : d’où le nom de motet, « petit mot ». On obtient ainsi une œuvre à deux voix, l’une déroulant en valeurs longues un fragment de mélodie de plain-chant, l’autre présentant un chant beaucoup plus rapide avec un texte différent. Le procédé se développe, passant rapidement à trois voix, chacune portant éventuellement un texte différent.

Pendant quelques décennies, le Grand Livre de Léonin et Pérotin alimente de nombreux compositeurs de motets en France et en Europe. Les successeurs de Léonin et Pérotin à Notre-Dame sont Robert de Sabillon et Francon de Paris. A la fin du XIIIe siècle, le motet devient un genre autonome et clé de la période musicale dite Ars Antiqua.

Motets et pensée morale

Les poèmes des motets, chantés dans la liturgie, intègre parfois une portée morale ou politique. Ainsi le Mundus a mundicia de Philippe le Chancelier, ou de In veritate comperi de Guillaume d’Auvergne militent contre la corruption du clergé. Les poèmes des conduits mêlent souvent le sacré et le profane, et certains de ces conduits s’inscrivent dans les réjouissances accompagnant des fêtes données à Notre-Dame avec banquets, chants et danses, tels Nicholai presuli (pour la Saint-Nicolas) et Hac in die salutari (pour la fête du Nouvel-An).

Fêtes de Noël à Notre-Dame au Moyen Age

Un texte de 1220 environ décrit les liturgies fastueuses qui se déroulent dans la nouvelle cathédrale. Dans les grandes occasions, on tend dans la nef et le chœur toutes sortes de draperies et de tapisseries, et huit fêtes majeures bénéficient d’une décoration maximale, du « gran encourtinement » Noël, Pâques, la Pentecôte, l’Ascension, la Purification, la Naissance de Marie, la Saint-Denis et la Dédicace de l’église. C’est alors que la musique atteint toute sa magnificence. Des graduels et des alléluias à deux, trois, voire quatre voix sont interprétés durant ces cérémonies. Les plus extraordinaires ont lieu durant la semaine de Noël. A cette époque Noël à Notre-Dame ouvre en un cycle complet de fêtes : le jour de la Nativité, la Circoncision, la Saint-Jean ou la Saint-Etienne. De nombreux organa concernent cette période de l’année liturgique.